Parcours Express Sein : témoignage de Laïka Thomas
Laïka Thomas est chanteuse de jazz. Elle a été contrainte de revoir son organisation quand elle a découvert qu’elle était atteinte d’un cancer du sein. Suivie et traitée dans le service de chirurgie et de cancérologie gynécologique et mammaire à l’Hôpital Pitié-Salpêtrière (Pr Catherine Uzan), AP-HP, elle nous livre son témoignage.
Comment avez-vous appris que vous étiez touchée par le cancer du sein ? Comment avez-vous ressenti cette annonce ?
Ça a été un tsunami. Avec mon mari, nous devions partir en voyage le 13 décembre 2022, et j’avais prévu de faire une mammographie le 2 décembre. La manipulatrice qui réalise la mammographie me demande d’attendre dans la cabine avant de me rhabiller. Les minutes passent et l’angoisse commence à monter. Elle revient et m’informe que le radiologue souhaite réaliser une échographie en complément. A la suite de l’échographie, la radiologue souhaite faire une biopsie. Je frémis et commence à comprendre, mon cœur s’accélère.
Mais le moment le plus difficile à vivre fût l’attente des résultats après la biopsie. Lorsque le secrétariat de ma gynécologue me laisse un message le vendredi 9 décembre au soir pour avancer mon rendez-vous au lundi 12 à la première heure, je sais déjà… L’annonce vient d’être faite à leur insu. Je passe le week-end seule, terriblement seule, dans un état de confusion totale. Le lundi matin, ma gynécologue m’annonce que la biopsie se révèle un cancer du sein. Mon mari était lui-même à ce moment en attente pour une greffe du rein. Nous avons été dévastés par la nouvelle de ce cancer triple négatif, l’un des plus agressifs.
Je ne comprenais pas. Mon entourage m’appelle “la carotte”, ce surnom reflète une alimentation saine et équilibrée, je ne prends pas de substances, je fais attention au quotidien. A l’annonce du cancer, je me suis questionnée autour de la relation entre la santé émotionnelle et la santé physique, si je l’avais déclenché, si c’était héréditaire, alors j’ai décidé d’en parler avec ma psychothérapeute. A la suite d’examens, j’ai finalement appris que mon cancer n’était pas génétique.
J’ai été prise en charge par la bienveillante équipe du service de chirurgie et cancérologie gynécologique et mammaire à la Pitié Salpêtrière très rapidement. L’équipe est incroyable. Lors de ma 1ère rencontre avec ma chirurgienne, le jour même de l’annonce, j’étais terriblement anxieuse. Et même si j’étais très bien entourée et accompagnée, j’avais généré énormément d’angoisses en moi.
Trois semaines après, j’ai été opérée, l’opération s’est super bien passée. La chirurgienne a procédé à une tumorectomie avec ganglion sentinelle c’est-à-dire qu’elle n’a retiré que deux ganglions, et je n’ai pas eu de curage axillaire. Il s’agit d’une chirurgie conservatrice. Elle a pour but de retirer toute la lésion avec une marge de tissu autour. Et elle permet de pratiquer un remodelage du sein avec la glande restante.
Ensuite, on m’a prescrit 12 séances de chimiothérapie puis 10 séances de radiothérapie. Je ne saurai oublier l’équipe de l’hôpital de jour ainsi que celle de la radiothérapie, leurs gestes techniques et professionnels, mais aussi leur écoute chaleureuse et attentive, respectant, au quotidien, toutes les règles de confort et de qualité. Je leur en suis très reconnaissante. Je suis également pleine de gratitude envers mes enfants, mon époux et Malou pour leur accompagnement lors de mes séances, véritable acte d’amour qui demande beaucoup de courage, sans oublier toutes mes amies pour leur écoute constante.
Y a-t-il un moment particulier que vous pourriez nous partager ?
En plein traitement, pendant la chimio, j’ai eu une embolie pulmonaire. Cet événement m’a donné envie de tout arrêter. Mais au fond, je savais qu’il fallait poursuivre le traitement alors j’ai essayé de me trouver des petits plaisirs. Je me suis réfugiée dans la nourriture. Il était hors de question que je ne mange plus. C’est le seul plaisir que j’avais. Je mangeais des choses que je ne mangeais plus : des crêpes, de la viande rouge, de la purée… Je mangeais tout ce qui me faisait envie.
Et puis, à la dernière séance, j’étais à bout force, physiquement et moralement. Je me suis dit “je n’y vais pas ». Nous avons toutes nos limites et des corps qui sont plus ou moins résistants.
Aujourd’hui, avec le recul, je suis contente d’avoir été au bout des séances. Il est primordial d’être attentive à ce que l’on sent en le partageant avec son oncologue et les infirmières avant de prendre une décision, surtout quand on veut soigner un cancer qui est un triple négatif.
Et puis il y a les grands soutiens du quotidien. Mon fils m’a dit un jour en parlant de la chimiothérapie : “Maman pense que c’est un élixir”. Cette pensée m’a accompagné à chacune de mes séances et sa vision a tout transformé.
Avez-vous des conseils ou des remarques à partager aux femmes qui ont un cancer ou à leur entourage ?
Faites des mammographies ! Je me suis clairement sauvée la vie en faisant cette mammographie, et je l’ai faite 7 mois après la précédente.
J’ai envie de dire aux femmes : ça va être une traversée, mais faites-vous confiance, vous n’êtes jamais complètement isolées car l’équipe médicale est très investie, et faites-lui confiance.
C’est normal d’avoir des doutes, il ne faut surtout pas hésiter à poser des questions, à faire répéter, à noter des informations, car le choc peut amener à en oublier certaines.
Parfois, on craque mais c’est une phase. Il y a d’autres moments où ça va mieux, même avec la chimiothérapie ou la radiothérapie. Ce sont des vagues, des nuages et il faut essayer d’embrasser tout cela.
Mais pour moi, le plus important, c’est de ne pas haïr ses cellules, son corps. Ces cellules altérées, elles font parties de vous, aimez-vous, ne reniez pas cette partie. Négociez avec elles, ne les diabolisez pas !
Après ces mois de traitement, de protection, pourquoi ne pas essayer de voir certaines choses comme des atouts ? Par exemple, pour le crâne rasé, je me disais “c’est moins de travail”, il faut trouver des choses positives dans tout ce que vous avez gagné.
Tout se transforme et c’est à vous de choisir comment vous voulez transformer les choses autour de vous. Qu’est-ce que vous avez envie de faire de tous ces changements ? Quelle image se reflète dans le miroir, mais surtout, qu’est-ce que vous avez envie d’y voir ?
Nous les femmes, après un cancer, on devrait être capables de dire « il n’y a plus de limites ! » car lorsqu’on sort d’un cancer, on est de vraies «Wonder Woman » !
Il faut que nous puissions tous concevoir que nos vulnérabilités sont autant de forces !
Que pouvez-vous nous dire de l’après-cancer ?
C’est tout nouveau pour moi, mais je sais que je suis en chemin vers des objectifs de vie et un espace de projets. Mon fils me dit que j’ai vécu ma matinée et que je suis à présent dans mon après-midi.
J’ai l’intention de faire de cet après-midi un moment unique et présent.
Rien n’est comme avant et tant mieux ! Je dis merci à ce qui m’est arrivé car cette expérience m’a appris à être dans le moment présent.
A l’occasion d’Octobre Rose, Laika Thomas a donné un magnifique concert dans la Chapelle Saint-Louis dans l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, en présence de l’équipe des médecins et des soignants qui l’ont suivi, mais également de nombreuses patientes qui sont venues partager ce moment d’une grande intensité. Vous pourrez aussi découvrir Laïka Thomas lors des concerts qu’elle donne régulièrement https://www.facebook.com/laikaandtheunit/
Depuis sa création, la Fondation de l’AP-HP soutient la recherche et l’innovation. Si vous souhaitez soutenir la recherche et lutter contre le cancer du sein, vous pouvez jouer un rôle dès maintenant en faisant un don à la Fondation de l’AP-HP.
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