Par Mehdi Benchoufi, chef de clinique assistant au Centre d’Epidémiologie Clinique à l’hôpital Hôtel-Dieu AP-HP et membre du conseil scientifique de la Fondation de l’AP-HP pour la Recherche
Comme nombre de domaines, le monde de la santé est saisi d’un ouragan technologique, fruit de la rencontre d’un niveau inégalé de puissance de calcul, du développement d’une algorithmie de rupture, dite Machine Learning, et de la démocratisation à la fois de leurs usages et de leurs conceptions, douant notre système d’une Intelligence qualifiée d’Artificielle (IA). Aujourd’hui, les exemples de sur-performances des machines relativement aux capacités humaines abondent : outils de traduction automatisée, les jeux tels les échecs, le go, contenus personnalisés pour les plate-formes de streaming musical ou vidéo.
Ici, le point fondamental est que les machines ne sont pas seulement employées à séquencer des agencements complexes de tâches simples et répétitives. En réalité elles apprennent, elles sont éduquées et biberonnées aux données. Les performances des machines s’améliorent à mesure que le volume de données nécessaires à leur apprentissage croît. C’est là la promesse du Big Data.
Dans le domaine de la santé, les promesses de l’IA se multiplient : médecine personnalisée, médecine prédictive, assistance et automatisation diagnostique, virtualisation et simulation des environnements opératoires, épidémiologie. L’on peut ainsi égrener la mise au point de solutions de rupture : automatisation de la lecture d’examens de radiologie, estimation du risque de malignité de lésions cutanées, robots conversationnels, outils avancés d’aide à la décision médicale, etc. Les champs d’applications sont vastes.
Néanmoins, la concrétisation de ces opportunités technologiques supposent de veiller à une validation vigilante de leur pertinence médicale, en s’assurant que la médecine prédictive ne devienne une pathologisation de la normalité, ne voyant dans cette dernière qu’un pré-symptôme de la maladie. Il s’agit aussi de définir le cadre réglementaire et éthique adéquat de leur conception et leur juste usage, d’adapter nos systèmes de formation initiale et continue, de façon à ce qu’en rien les professionnels de santé ne se trouvent diminués par une médecine augmentée, ouvrant alors la prise à des thèses d’un grand remplacement… de l’homme par les machines. Au contraire, il nous faut construire les modalités nouvelles d’un compagnonnage inédit de l’homme et de la machine, dotant notre système de santé d’un arsenal d’outils remarquablement puissants, visant une meilleure qualité et organisation des soins dans des conditions d’équité auxquelles il faudra toujours veiller.
L’AP-HP, géant de la donnée qu’elle est, dispose des compétences et outils pour s’élever au rang de puissance de premier plan dans l’usage de l’Intelligence Artificielle en Santé et ainsi aller au devant du nouvel horizon qui se lève pour la médecine de ce siècle.