Les équipes mobiles, un projet innovant de l'AP-HP soutenu par la Fondation de l'AP-HP

unités mobiles périnatales AP-HP
Le projet des équipes mobiles développées par l’AP-HP et soutenues financièrement par la Fondation de l’AP-HP est un projet qui s’inscrit en cohérence avec les recommandations de la commission des 1 000 premiers jours de vie formulées en septembre 2020.

La création des unités mobiles périnatales est une innovation, jamais ces équipes n’avaient encore été mises en place sous cette forme.

Et elles n’auraient pû voir le jour sans les financements des mécènes et donateurs de la Fondation de l’AP-HP, qui finance elle-même une grande partie de leur fonctionnement. 

Ainsi, aujourd’hui, cinq unités mobiles de psychiatrie périnatale sont actuellement soutenues en île-de-France par la Fondation de l’AP-HP :

  • 3 équipes pour répondre aux besoins des hôpitaux Tenon, Trousseau, Pitié-Salpêtrière, AP-HP,
  • 1 équipe pour l’hôpital Louis Mourier (Colombes), AP-HP,
  • 1 équipe pour l’hôpital Avicenne, AP-HP.

Ces 3 équipes bénéficient aux :

  • 25.000 patientes qui fréquentent les maternités concernées (1) chaque année. Elles peuvent ainsi être prises en charge avec des soins et des parcours adaptés.
  • aux bébés à naître et jusqu’à 2 ans (la période des 1000 jours) ainsi qu’à leur famille (parents, parents solo, fratrie…) pour l’amorçage du suivi des bébés, rencontrer des professionnels durant la période périnatale, amorcer la relation thérapeutique.

Pourquoi ces 1000 premiers jours sont-ils tellement structurants de la base de départ de l’enfant ? Pour Boris Cyrulnik, c’est un moment crucial dans le développement du système nerveux de l’enfant. Pour l’Organisation Mondiale de la Santé, il va du 4e mois de grossesse jusqu’à ses deux ans et l’apparition du langage. Mais Boris Cyrulnik assure que le façonnement de l’enfant commence beaucoup plus tôt, avant même sa conception !

Nous avons souhaité en savoir plus, et avons interrogé le Dr Michaël GUETTA, Psychiatre de l’Enfant et de l’Adolescent à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, qui s’occupe également de l’Unité Mobile de psychiatrie périnatale en lien avec l’unité « petite enfance et parentalité »Vivaldi, le Centre médico-psychologique de secteur, associée aux services de psychiatrie adulte des hôpitaux Pitié-Salpêtrière, Saint-Antoine et Tenon AP-HP. 

équipe mobile AP-HP
équipe mobile AP-HP
Pourriez-vous nous expliquer à quel moment intervient votre Unité Mobile de psychiatrie périnatale ?

Dr Michaël GUETTA : Notre objectif avec l’équipe est d’intervenir le plus précocement possible. Nous savons bien que plus nous intervenons tôt, mieux c’est pour le développement du bébé et des interactions familiales. 

 Pour certaines familles, la maternité est un lieu qu’on a vite envie d’oublier. On est à l’hôpital, on est confronté à du bruit, on est sollicité 40 fois par jour en moyenne, et même si les professionnels sont bienveillants, être visitée, c’est parfois pénible. Souvent les patientes ont envie de vite quitter la maternité, mais cela ne veut pas dire qu’elles n’ont pas ou plus besoin de soins ou de suivi. C’est à ce moment qu’on intervient.

Pour d’autres familles, nous intervenons dans les mois qui suivent la sortie de la maternité, lorsque nous sommes sollicités par des partenaires extérieurs, comme les PMI par exemple. 

Quels types de familles accompagnez-vous ? Et comment procédez-vous ?

Dr Michaël GUETTA : Aujourd’hui, nous sommes dans un contexte global où les durées des séjours dans les maternités diminuent. Parfois, les mères ou les familles se retrouvent en dehors de l’hôpital relativement vite avec un premier bébé.

L’équipe mobile est née pour répondre à une problématique de difficulté d’accès aux soins pour certaines patientes. On imagine souvent des problématiques liées à la précarité, qui font que lorsqu’on est enceinte, ou qu’on vient d’accoucher, il est difficile d’aller à une consultation.

Les équipes mobiles répondent à des problématiques du bébé, de la mère ou de la famille dans des circonstances où il est compliqué de venir à la maternité ou à l’hôpital, en consultation. 

Dr Michaël GUETTA : En créant l’unité mobile, on s’est rendu compte des freins, autre que la précarité, qui limitent l’accès à la consultation. Par exemple, les patients ne veulent pas aller consulter en psychiatrie, les psychiatres et les psychologues sont stigmatisés, les blocages psychologiques liés à la maternité qui a pu être un lieu traumatisant à cause d’un séjour trop long ou d’un accouchement compliqué.

Notre rôle est de dépister les familles, les mères ou les bébés en situation de fragilité, puis de les prendre en charge à domicile. Dans un certain nombre de cas, la prise en charge à domicile est suffisante, quelques semaines peuvent suffire pour régler les situations difficiles. Parfois, nous avons besoin d’adresser les sujets fragiles à d’autres équipes qui pourront les accompagner sur le long terme. Notre mission est d’intervenir de manière très précoce, c’est véritablement un enjeu majeur pour le développement des bébés.

Famille accompagnée par l'unité mobile périnatale
Comment dépistez-vous les sujets fragiles ? Les familles à suivre à domicile ? 

Dr Michaël GUETTA : Il y a plusieurs portes d’entrées pour arriver à l’équipe mobile. La piste idéale est un adressage en pré-natal, c’est-à-dire avant l’accouchement, soit parce qu’il y a déjà eu des échanges avec un psychologue ou parce que la sage-femme ou la gynécologue indiquent qu’il est important que la maman voit un professionnel de la perinatalité. On peut alors instaurer un suivi maternité et un suivi complémentaire avec l’équipe mobile avant la naissance. Pour nous, le plus tôt est le mieux.

En parallèle, on sait définir certains facteurs de risques de dépression du post-partum et on sait que cela a un impact sur le développement du bébé. On sait donc sur quels critères se baser pour dépister les situations à risques.

Et dans “la vraie vie”, on a le cas typique d’une mère qui n’a pas été suivie sur le plan psy, au sens large, pendant sa grossesse, qui accouche, et qui lors de son séjour en maternité a des symptômes d’épuisement ou de baby blues. Dans ce cas-là, l’unité mobile peut être utile pour cette femme. Car d’expérience, si on lui propose un rendez-vous à la maternité, il y aura trop de freins : physiques, après un accouchement, on a mal, on est loin de la maternité, on n’a pas envie de bouger, et puis on a pas envie de voir un psy pour la première fois après son accouchement, ça peut faire peur. C’est là que l’unité mobile prend tout son sens. Si on propose à la patiente de venir la voir à domicile et de l’accompagner dans sa sortie de la maternité, on gagne notre « droit de visite ».

L’unité mobile a-t-elle des partenaires spécifiques au quotidien ? 

Dr Michaël GUETTA : Sur le territoire, nos principaux partenaires, ce sont les PMI, les centres de protection maternelle et infantile, et plus spécifiquement, les unités de parentalités et de petite enfance, en l’occurrence l’unité Vivaldi, et l’unité Myriam David qui travaille spécifiquement avec les bébés qui ont des fragilités. Nous travaillons également avec les unités d’hospitalisation “mères/bébés” dans les cas les plus sévères.

Pourriez-vous nous livrer le récit de l’une de vos interventions afin d’illustrer concrètement le travail de l’unité mobile ? 

Dr Michaël GUETTA : Il y a 15 jours, j’ai été appelé par une sage-femme qui m’a demandé de rencontrer sa patiente qui avait subi un accouchement très difficile, et possédait des antécédents d’anorexie mentale. 

Aujourd’hui, on sait que tout antécédent, même ancien, sur le plan psychologique ou psychique, est un facteur de risque de dépression du post-partum. 

En la rencontrant, je me rends compte tout de suite qu’au bout de deux jours, elle est épuisée et qu’elle a un double sentiment : elle est extrêmement heureuse d’avoir donné la vie et elle est très angoissée, et très échaudée par l’accouchement difficile. Elle se sent très mal. 

Nous lui avons donc proposé de la suivre dès la sortie de la maternité avec l’équipe mobile avec notre psychologue et notre puéricultrice. Elle était ravie, cela répondait à son envie de rentrer rapidement chez elle, mais également d’être suivie pour aller mieux. 

Comment s’est passée le suivi par l’équipe mobile ?

Dr Michaël GUETTA : Nous avons été deux à nous rendre chez cette patiente, moi-même et une collègue kinésithérapeute. Pendant l’accouchement le bébé a été mis dans des positions difficiles et il souffrait d’un torticolis. Être deux, c’est très pratique car nous sommes complémentaires. La kinésithérapeute s’est occupée du bébé, et moi je pouvais échanger avec le couple. C’était comme une séance de thérapie familiale. Chacun avait son rôle, on a eu une discussion commune, dans leur intimité et on a poursuivi les suivis sur quelques séances en faisant aussi intervenir notre puéricultrice pour aider ces jeunes parents à s’occuper de leur premier bébé.

A ce stade, l’objectif de notre équipe mobile est de voir si d’ici quelques semaines on pourra mettre fin à la prise en charge ou si on aura besoin de mettre en œuvre une prise en charge plus approfondie par une équipe qui s’inscrira dans la durée. .

Notre objectif c’est d’engager les soins le plus précocement possible, c’est un enjeu majeur pour nous, mais aussi un enjeu de santé publique.

Dr Michaël GUETTA : Un tout autre récit : l’équipe mobile a suivi une femme qui a des troubles psychologiques très importants, qui prend un traitement médicamenteux lourd, et qui est très peu loquace. Or, on sait que le bébé se développe grâce à l’exposition au langage et aux stimulations des parents. L’intérêt de l’équipe mobile dans cette situation, c’est de s’intéresser au développement du bébé et donc d’essayer de promouvoir des interactions précoces entre cette mère, le père et l’enfant. 

Il y a donc la puéricultrice, l’éducatrice pour jeunes enfants et une psychologue de l’équipe mobile qui sont intervenues auprès de la famille. L’équipe a rendu visite à la famille 2 à 3 fois par semaine et en parallèle envoyait des vidéos aux parents pour montrer quelques recommandations de petits jeux à mettre en place avec le bébé afin de créer de l’interaction avec lui, comment lui parler, lui chanter des chansons, le masser, etc.  

équipe mobile AP-HP
Pourquoi est-il primordial d’intervenir le plus précocement possible auprès des familles et des bébés ? 

Dr Michaël GUETTA : Je peux vous donner un exemple très précis : le langage se développe chez le bébé parce qu’il est exposé au langage de son entourage ; en général, un enfant doit dire ses premiers mots vers l’âge d’un an. S’il n’est pas stimulé, il ne sera pas en capacité de parler.  

Un autre exemple : c’est la dépression des bébés. On sait imaginer un adulte déprimé mais moins un bébé. Or les bébés peuvent se déprimer. On sait notamment depuis les travaux de René Spitz que la rupture précoce du lien maternel peut engendrer un retrait du bébé, sa non réactivité au monde qui l’entoure. Le bébé se renferme et peut se réfugier dans un sommeil quasi-permanent.

Parfois même, une sorte d’anorexie du nourrisson peut s’installer. Il faut donc rester très vigilant. 

Pourriez-vous nous éclairer sur la composition de votre équipe ?

Dr Michaël GUETTA : Notre équipe thérapeutique se compose de :

  • 2 psychologues qui ont des formations spécifiques en périnatalogie, 
  • 1 kinésithérapeute qui est aussi ostéopathe, et qui a beaucoup d’expériences avec les bébés,
  • 1 puéricultrice qui conseille les parents sur les aspects pratiques du quotidien pour s’occuper des bébés, 
  • 1 éducatrice pour jeunes enfants qui conseille les parents sur les aspects éducatifs, car l’éducation commence dès le plus jeune âge,
  • un temps médical. 
Combien de familles avez-vous pu suivre depuis la création de l’unité mobile ? 

Dr Michaël GUETTA : Depuis qu’on a débuté il y a un an et demi, on a réalisé avec notre équipe mobile plus de 300 visites à domicile pour une soixantaine de familles suivies. En moyenne, nous réalisons entre 1 à 32 visites à domicile par famille, sur une durée de 1 semaine à 15 mois.

Certaines familles sont très reconnaissantes, et aussi très surprises de notre réactivité, et de notre capacité à les accompagner très vite après la sortie de l’hôpital. 

Il est très clair que notre activité mobile n’a de sens que si on a une réactivité à la journée ou à la semaine.

Diriez-vous qu’aujourd’hui on est à un moment clef dans le domaine de la santé mentale ?  

Dr Michaël GUETTA : Je dirais que le timing est intéressant car on s’inscrit dans la dynamique de dé-stigmatisation de la dépression du post-partum, et des troubles psychiques au sens large, et notamment ceux qui peuvent arriver au cours et après la grossesse. On arrive à un moment où les études sont de plus en plus nombreuses sur l’impact de la santé des mères et pères sur le développement des enfants. Il reste un grand parcours pour qu’on arrive à proposer une consultation avec un psychiatre ou un psychologue aussi facilement que si on proposait une consultation avec un dentiste ou un ORL. Mais je pense que nous allons dans le bon sens.

Le psychologue ou le psychiatre, on a tendance parfois à le proposer en maternité comme on pourrait proposer une option smoothie ou SPA dans un hôtel. On va demander : “ Est-ce que vous avez envie de le rencontrer ou pas ?”. Alors qu’on ne poserait pas la question si une patiente avait une infection dentaire. On lui dirait, “Vous allez voir le dentiste pour régler cette infection”. 

Le psy reste trop souvent une proposition, une option bonus, alors même que parfois la femme est en très grande difficulté. Et que cela peut avoir un impact non seulement sur sa santé mais également sur celle de son enfant, et de sa famille.  

Je milite pour faire un travail auprès des professionnels de la perinatalité afin de dé-stigmatiser « le psy « et qu’on évite de le proposer comme une option. La création de l’unité mobile de psy en périnatal va complètement dans ce sens-là. 

Aujourd’hui, ça surprend de moins en moins qu’on puisse rencontrer des psys en maternité mais certaines personnes associent encore l’image du psy à la folie. 

unité mobile puériculture AP-HP
Aujourd’hui, de quoi auriez-vous besoin pour faire perdurer cette unité mobile ? 

Dr Michaël GUETTA : Cette activité est rendue possible par le mécénat, l’objectif est de voir si après deux ans de mise en œuvre, les indicateurs et objectifs peuvent être atteints. On aimerait bien évidemment voir ces unités se pérenniser si nous sommes soutenus par les ARS.

A ce jour, ce dispositif d’unités mobiles me semble être le plus pertinent pour intervenir précocement auprès des bébés et des mères. Et à l’avenir, je pense que les unités mobiles pourraient répondre à des besoins importants dans d’autres disciplines. L’intérêt est plus large, nous pouvons être inspirants pour d’autres domaines médicaux, notamment comme c’est déjà le cas dans les équipes mobiles de la douleur. 

Si vous êtes sensible à cette expérimentation, en tant que particulier ou qu’entreprise, vous pouvez la soutenir en faisant un don à la Fondation de l’AP-HP. Vous permettez ainsi de tester une nouvelle forme d’organisation, qui pourrait avoir un impact majeur pour le développement harmonieux des enfants, augmentant à terme leur chance de suivre une scolarité normale et de s’insérer socialement.

Avec la Fondation de l’APHP, soutenez activement l’innovation pour tous, et ceux que vous aimez, dans le plus grand CHU de France

 

(1) Les maternités des hôpitaux Tenon, Trousseau, Pitié-Salpêtrière, Robert-Debré, Bichat, Louis Mourier, Lariboisière, Avicenne, AP-HP.